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Publié le 03 mai 2022
Alexandra Bouthelier, déléguée générale de la Fédération du Commerce Coopératif et Associé (FCA), revient dans une tribune sur l'importance de ne pas opposer le commerçant et le client, qui présentent des intérêts réciproques.

 

Le commerçant et son client entretiennent de tout temps une saine relation qui participe à l’enrichissement économique de notre pays.

Les récentes mesures de renforcement de la protection du consommateur, de même que les législations relatives à la protection de l’environnement, nécessaires mais malheureusement parfois punitives pour toutes les parties prenantes, ne doivent pas nous faire oublier la simple rencontre d’intérêts réciproques qui s’opère entre le client et le commerçant. Selon une célèbre citation de François Michelin « L'entreprise est élue tous les jours par ses clients ».

 Prenons quatre exemples de l’actualité législative pour rappeler certaines évidences.

 

  • Encadrement des promotions : la pratique promotionnelle qui consiste à annoncer une réduction de prix fera l’objet d’un encadrement renforcé à compter du 28 mai prochain (article L. 112-1-1 du code de la consommation).

S’agissant d’un dispositif qui vise à lutter contre les pratiques commerciales trompeuses, il convient justement de ne pas se tromper sur la finalité de cet encadrement.

Le consommateur ne souhaite pas moins de promotions, mais des promotions réelles et loyales, particulièrement lorsque le pouvoir d’achat vient à baisser dans la conjoncture actuelle.

Le commerçant souhaitera toujours que son client revienne et s’attache à son commerce pour une relation durable ; il est dans son intérêt d’adopter un comportement loyal et d’attirer son client dans le respect de la libre concurrence.

 

  • Réduction du ticket de caisse papier : il n’y aura plus d’impression et de distribution systématique des tickets de caisse, de carte bancaire, d’automates, de bons d'achat et des tickets de promotion ou de réduction des prix à compter du 1er janvier 2023 (article L. 541-15-10, IV du code de l'environnement).

Le consommateur souhaite-il réellement avoir les poches remplies de papiers de tickets de caisse ? On peut raisonnablement supposer qu’il souhaite avant tout avoir le choix de donner ou non son adresse e-mail et ses données personnelles au commerçant et en contrôler l’utilisation.

Le ticket de caisse électronique peut être pratique pour le consommateur en termes de conservation de preuve d’achat et pour le commerçant pour lutter contre le vol à l’étalage.

Chaque individu doit avoir le choix. Le commerçant sait pertinemment que tous les consommateurs ne souscriront pas à son programme de fidélité ; il est dans son intérêt d’offrir aux consommateurs le choix d’y souscrire ou non pour ne pas perdre de client. Les consommateurs auront toujours le choix de demander l’impression d’un ticket papier. La loi ne dit rien d’autre, et certainement pas que le commerçant souhaite s’accaparer les données du consommateur à son insu.

 

  • Réduction du prospectus papier : sur 10 % du territoire national, il sera interdit de distribuer au domicile des imprimés en plastique, en papier ou cartonnés à visée commerciale non adressés, en l’absence d’apposition d’un « oui pub » sur la boîte aux lettres, à l’exception des échantillons de presse (article 21 de la loi « climat & résilience » n° 2021-1104 du 22 août 2021).

Le commerçant ne souhaite pas remplir les boites aux lettres de papiers non lus et jetés à la poubelle. Cependant, le consommateur mal informé de la disparition du prospectus papier n’aura pas connaissance des promotions diffusées sur le seul format numérique, alors qu’il est encore intéressé par les promotions.

L’expérimentation qui remplace le « Stop Pub » par le « Oui Pub » ne doit pas couper cette relation d’intérêts réciproques entre le consommateur et le commerçant.

Attendons donc les résultats de cette expérimentation avant de porter une appréciation et décider d’une part de la nécessité ou non de faire disparaître les stickers « Stop Pub » et d’autre part de l’agenda à suivre pour un éventuel changement.

 

  • Nouvelles informations environnementales : dès demain, le consommateur va disposer d’un foisonnement d’informations nouvelles dans le contexte de la transition énergétique : information relative aux impacts environnementaux ainsi qu’au respect de critères sociaux d’un bien ou d’un service (article L. 541-9-11 et s. du code de l’environnement),  informations concernant les produits générateurs de déchets (article L. 541-9-1 du code de l’environnement), informations sur l’indice de réparabilité et de durabilité (article L. 541-9-2 du code de l’environnement), informations sur la disponibilité des pièces détachées (article 30 de la loi « climat & résilience » n° 2021-1104 du 22 août 2021), etc.

Il s’agit à l’évidence d’une charge considérable pour les professionnels de l’industrie et du commerce et les vœux de simplification et de sobriété administrative sont bien loin.

Personne à l’évidence ne conteste la finalité légitime de ces mesures.

Mais, ne convient-il pas de laisser au commerçant plus de liberté dans le choix des moyens pour transmettre ces informations au consommateur de manière intelligible et loyale ?

La dématérialisation ne devrait-elle pas être sinon encouragée du moins considérée comme une alternative toujours envisageable ?

Certes, à l’instar de l’expérimentation du « oui pub », on peut craindre que certains consommateurs n’auront pas accès à ces informations si l’on bascule dans le « tout numérique ». Mais, il ne s’agit plus ici de protéger le consommateur contre le non-respect de ses droits (garanties légales, rétractation, délais de livraison, etc.), mais de lui donner les moyens, s’il le souhaite, d’adopter un comportement de consommation plus responsable.

Un excès de rigidité, telle que l’exigence d’un support écrit à l’ère du smartphone et du commerce, désormais omnicanal, peut nuire à cet objectif global autant en termes de coûts qu’en termes de compréhension de l’information.

De plus en plus de consommateurs déjà sensibles aux enjeux environnementaux n’ont d’ailleurs pas attendu ces évolutions législatives pour recourir à des applications dédiées à ces questions. N’obligeons pas le commerçant traditionnel à tout imprimer, afficher, dans les moindres détails et laissons-lui le choix de recourir aux outils d’information de notre temps lorsqu’il ne s’agit plus de protéger le consommateur mais de lui donner accès à de nouvelles informations qui impliquent pour lui un comportement plus actif.